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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/328

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insensée exigeait de ces grandes dames près de la personne royale.

Pourquoi ces honteux détails ? Le voici. Cette belle Emma, cette sibylle, cette bacchante, cette Vénus, était un espion. De 1792 à 1800, elle livra à l’Angleterre tous les secrets de l’Italie, quelquefois ceux de l’Espagne. Elle vivait dans la chambre de la reine, lisait ses lettres avec elle. Elle eut par là sur nos affaires la plus sinistre influence. Nelson assurait souvent qu’en obtenant pour lui de Naples le ravitaillement de sa flotte, elle lui avait rendu possible sa bataille d’Aboukir et la destruction de la flotte française. La première elle sut, par une lettre trop confiante du roi d’Espagne au roi de Naples, que ce prince, excédé de l’alliance impérieuse des Anglais, voulait leur déclarer la guerre. Elle envoya la lettre à Londres, et l’Espagne fut frappée. Mais ce qui place d’une manière tragique Emma dans l’histoire, c’est la part qu’elle eut aux vengeances de Caroline en 1798. Elle y déshonora Nelson. Ce brave et brutal matelot, qui n’avait jamais descendu à terre, qui ignorait tout de ce monde, prit Emma pour sa princesse, et se fit, par devant l’Europe, chevalier d’une coureuse. On vit un surprenant spectacle ; l’amiral, borgne et manchot, accorda aux caresses effrontées d’Emma ce qu’il eût refusé à la reine. Non content de violer la capitulation qu’il venait de signer, il employa ses mâts victorieux à pendre les chefs prisonniers de la république de Naples… Elle exigea, obtint du