Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/337

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aux évêques. Ses lettres au roi, moins publiques, étaient cependant connues du clergé qui les divulguait ; de confidence en confidence, la Bretagne, l’Anjou, la Vendée, étaient parfaitement instruits des injonctions du pape au roi. La foudre pontificale tonnait dans toutes les chaires de l’Ouest. L’hiver, aux veillées des chaumières bretonnes, sans mystère et sous les yeux du Français qui ne comprend pas, le prêtre prêche la guerre civile dans le sombre idiome qu’on dirait la langue des morts. Il commente la dernière bulle, l’instruction suprême du cardinal Zelada, tirée en nombre innombrable, jetée par ballots sur les côtes par des chaloupes anglaises.

Nous avons dit les premiers résultats : août 1792, la sanglante bataille de Châtillon et Bressuire ; octobre, la petite affaire du Morbihan, petite, mais sauvage, hideuse, où l’on vit des femmes, aliénées de fureur et comme ivres de la peur qu’on leur faisait de l’enfer, se ruer contre la mort, à la bouche des fusils ; la mort devant, l’enfer derrière : la mort était encore ce qui leur faisait moins peur.

Ce fut pendant tout l’hiver un silence formidable, une résistance d’inertie extraordinaire ; plus d’impôts, plus de levées d’hommes ; tout magistrat impuissant, toutes les lois suspendues. Les prêtres empêchaient spécialement le recrutement de la marine. L’homme aurait voulu partir qu’il ne l’aurait pu. La femme se pendait à lui, s’accrochait à ses habits. Le spectacle de nos côtes était déplorable. Nos ports, nos arsenaux, étaient déserts. La trahison générale de