Gironde l’eût tenté, elle n’eût fait que jeter Dumouriez dans les bras de la Montagne. Elle en eût fait une idole populaire, une glorieuse victime, un Bélisaire persécuté par la tyrannie, outragé sous ses lauriers… Quel beau texte de déclamation ! Dumouriez, du reste, en homme prévoyant, prenait ses précautions du côté de la Montagne. Non seulement il pratiquait les amis de Robespierre, mais il caressait la Commune et les hommes de septembre.
Ne pouvant briser Dumouriez, il restait à l’employer de façon qu’il fût forcé de suivre la droite ligne révolutionnaire, le lancer, malgré lui, lorsqu’il voulait négocier, dans la guerre et dans la gloire. L’opinion générale qu’on avait de son indifférence politique faisait croire que, ne tenant fort à aucun parti, il pouvait entrer encore dans une voie qui était réellement celle de son intérêt aussi bien que de l’honneur. Telle fut l’opinion des Girondins ; opinion hasardeuse sans doute. Mais enfin que faire ? Danton était, en ceci, de l’avis de la Gironde. Robespierre même, le 10 mars, et Marat, le 12, avouèrent que, quel que fût Dumouriez, on ne pouvait faire autrement que se fier à lui. « Qu’il était lié par son intérêt au salut public. »
Un seul homme lui fut invariablement contraire. Cambon avait toujours dit avec un ferme bon sens que Dumouriez était un malhonnête homme, un traître, né pour livrer la France.
La foi immense qu’avaient les Girondins à l’infaillible progrès de la Révolution leur fit mépriser ces