Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

transportés tout à coup en pleine lumière, en présence d’un luxe tout nouveau pour eux, enveloppés des paroles flatteuses, des caresses du monde élégant. Flatteries, caresses d’autant plus puissantes qu’elles étaient souvent sincères ; on admirait leur énergie et l’on avait tant besoin d’eux ! Les femmes surtout, les femmes, les meilleures, ont en pareil cas une influence dangereuse, à laquelle nul ne résiste. Elles agissent par leurs grâces, souvent plus encore par l’intérêt touchant qu’elles inspirent, par leurs frayeurs qu’on veut calmer, par le bonheur qu’elles ont réellement de se rassurer près de vous. Tel arrivait bien en garde, armé, cuirassé, ferme à toute séduction ; la beauté n’y eût rien gagné. Mais que faire contre une femme qui a peur, et qui le dit, qui vous prend les mains, qui se serre à vous ?… « Ah ! Monsieur ! ah ! mon ami, vous pouvez encore nous sauver… Parlez pour nous, je vous prie ; rassurez-moi, faites pour moi telle démarche, tel discours… Vous ne le feriez pas pour d’autres, je le sais, mais vous le ferez pour moi… Voyez comme bat mon cœur ! »

Ces dames étaient fort habiles. Elles se gardaient bien d’abord de montrer l’arrière-pensée. Au premier jour, vous n’auriez vu dans leurs salons que de bons républicains, modérés, honnêtes. Au second déjà, on vous présentait des Feuillants, des Fayettistes. Et, pour quelque temps encore, on ne montrait pas davantage. Enfin, sûre de son pouvoir, ayant acquis le faible cœur, ayant habitué les yeux, les