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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/447

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c’est qu’au matin Lasource salua Danton d’une foudroyante invective, d’une attaque à bout portant, dont, étourdi, effarouché, et terrassé presque, il n’eut d’autre défense que d’étrangler qui l’étranglait.

Lasource était un Cévenol, nature âpre, violente, amère. Le Languedoc protestant avait envoyé à la Convention plusieurs de ses pasteurs, d’un tel caractère. Qui pouvait dire si Lasource était moins amer à la droite que Jean-Bon Saint-André n’était violent à la gauche ? La contrée les faisait tels, l’histoire aussi, les malheurs, les persécutions. Ils prêchaient à la Convention comme ils auraient fait dans la guerre des Cévennes au désert sous un rocher.

Lasource était très convaincu. Dans sa sombre imagination méridionale, il avait, comme Salles, Louvet et autres esprits malades et romanesques, arrangé tout un poème des trahisons communes d’Orléans, Dumouriez, Danton, des Cordeliers, des Jacobins. Il le lança, ce poème, très habilement arrangé, entouré de vraisemblances qui pouvaient faire illusion. Il demanda une enquête sur le complot tramé pour rétablir la royauté, se plaignit de l’inaction du tribunal révolutionnaire ; enfin, ne se fiant pas au tribunal, il somma la Convention de faire jurer à ses membres l’engagement de poignarder quiconque essayerait de se faire dictateur ou roi… Le serment fut prêté à l’instant, aux applaudissements des tribunes… Tout le monde regardait Danton.