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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/452

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était dans un désordre d’esprit singulier, étrange ; non qu’il fût troublé de son crime ; il l’était en réalité de voir qu’engagé aux Autrichiens et leur cédant tout sans combat, il n’avait d’eux nul engagement, nulle parole écrite. Il appartenait déjà à l’étranger, à l’ennemi, et ne savait pas ce que ses maîtres feraient et lui feraient faire.

Les trois envoyés du ministre ne purent en rien tirer de net, sinon de vaines bravades : Qu’il allait marcher sur Paris, qu’il était assez fort pour se battre devant et derrière. Entre autres folies pareilles, il leur dit qu’il fallait un roi : « Peu importe qu’il s’appelle Louis ou Jacobus… — Ou Philippus », dit Proly. Dumouriez s’emporta fort d’être indiscrètement deviné.

La Convention, pour sommer Dumouriez de comparaître à sa barre, avait choisi des hommes qui pouvaient le rassurer, le vieux constituant Camus, deux députés de la droite Bancal et Quinette, un seul Montagnard, Lamarque. Ils furent accompagnés du ministre de la guerre, Beurnonville, ami personnel du général et qu’il nommait son élève. Ils avaient ordre de l’arrêter s’il refusait de venir. Commission périlleuse. Dumouriez était aimé. Certains corps lui restaient aveuglément dévoués. Ils commençaient cependant à s’étonner fort, le voyant si bien avec l’ennemi, jusqu’à mettre dans les mains des Autrichiens (pour les mieux garder) des Français qu’il accusait de déclamer contre lui ou de vouloir l’assassiner.