Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/504

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de ces visages pâles, pour dire le mot de César, où l’on croit lire des complots.

Et la foule, comment entrait-elle ? Cette grande foule bruyante, ce monstre à mille têtes, que du dedans l’on entendait, non sans terreur, rugir au dehors, pouvait-elle entrer, cette foule ?

Elle n’arrivait que par effort, par lutte et combat, par élan désespéré. Les escaliers étroits du pavillon de l’Horloge et du pavillon Marsan, les misérables couloirs qui aboutissaient à la salle, de temps à autre y lançaient les plus heureux dans cette lutte, des hommes forts, certainement, ceux qui avaient des épaules, des reins et des coudes pour porter la foule ou pour l’écarter. Ils arrivaient bruyants, vainqueurs, tout émus encore, fiers de leur succès, de leur force. Le passage, spécialement vers le pavillon Marsan et la rue de Rivoli, était difficile en lui-même, difficile par les ruelles qui y amenaient. L’affreux passage Delorme, étroit, infect et immonde, entre les hautes maisons noires qui ne lui montraient que le dos, réceptacle des déjections de la rue Saint-Honoré, était le principal accès.

La Convention n’avait nulle protection militaire. La garde nationale, cachée dans une espèce de cave du pavillon Marsan, quelques gendarmes logés sous la salle de l’Assemblée, ne pouvaient servir de rien. Ils le savaient parfaitement. Aux jours les plus orageux, quelque bruit qu’on fît en haut, n’ayant nul moyen d’être utiles, pas, même d’entrer seulement, ils se chauffaient tranquillement et jouaient aux cartes.