Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/61

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Cette unité apparente, cette fixité dans certaines formules, cette intolérance pour ceux qui, animés du même esprit, ne disaient pas les mêmes mots, servirent la Révolution dans plus d’une circonstance et lui furent parfois fatales.

La France de 1792, dans son jeune élan immense de république et de combat, au premier coup de la trompette, sembla un moment oublier ses fatigants précepteurs. Le grand souffle de Danton, le joyeux canon du 10 août, l’emportaient à bien d’autres fêtes. Si haut tonnait la Marseillaise qu’on n’entendait presque plus le marmottement jacobin. (Les principes d’abord, les principes !)

Le 10 août se fit sans eux et, ce qui est assez piquant, il se prépara chez eux. Dans l’enclos même des Jacobins était un grand bâtiment qui, quelque

    en pleine lumière ce qu’on a montré une fois. Les Jacobins ne regardèrent jamais la presse que comme un moyen secondaire ; ils employèrent de préférence les communications verbales, la circulation orale d’homme à homme et de club à club, les paroles qu’on peut toujours interpréter, démentir même. L’association, la prédication, furent les moyens des Jacobins. Ils tiraient à petit nombre les pièces mêmes qu’ils tenaient le plus à répandre, à trois mille seulement les discours de Robespierre. Mais, de ces trois mille, on envoyait les deux tiers à deux mille sociétés ; la diffusion devenait véritablement immense. Le discours pouvait être vague, sans inconvénient. L’interprétation orale en déterminait le sens.

    Ces moyens, qui avaient été ceux du Moyen-âge, furent aussi ceux des Jacobins ; moyens dont l’avantage principal était de conserver plus aisément une certaine apparence d’unité dans les doctrines. La fameuse unité catholique eût été impossible à affirmer, dans la lumière de la presse ; elle put très bien se feindre, dans le demi-jour de la publicité verbale, comme l’avait le Moyen-âge. L’unité jacobine put aussi s’affirmer, se soutenir jusqu’à un certain point, subissant à l’intérieur et sous le masque fixe d’une parole identique les changements que réclamait la Révolution dans ses phases rapides. Les Jacobins furent quasi prêtres ; ils soutinrent invariablement, de changements en changements, leur orthodoxie.