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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/146

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La récolte de 1792, bonne en froment, avait été nulle pour tout le reste. Tout fut épuisé de bonne heure, et il y eut une sorte de disette au printemps de 1793.

Ce terrible problème : Comment nourrir le peuple ? se présenta, de mars en mai, en juin et jusqu’en septembre, comme un sphynx effrayant, à dévorer tous les partis !

La Commune fut ainsi poussée par la nécessité et par le péril à faire ce qu’on faisait à Lyon, une armée révolutionnaire. Les patriotes lyonnais, huit jours avant de commencer, avaient envoyé à Paris un des leurs, le jeune Leclerc, éloquent et violent, amant de Rose Lacombe, qui couchait chez elle, courait Paris avec elle, jurait sang, mort et ruines. Ce frénétique raviva les fureurs des Cordeliers. Le 13 (au jour même où Crancé accordait à ceux de Lyon leur armée révolutionnaire), les Cordeliers, par l’organe de l’administration de police qui dépendait d’eux, en firent la proposition au conseil général de la Commune, qui décida que la demande serait faite à la Convention.

    Révolution féconde qui devait engendrer une France de plus de dix millions d’hommes en trente années et doubler la richesse de l’ancienne. Elle arrive… et avec elle d’abord la misère, la faim.

    J’ai cherché curieusement dans les procès-verbaux des sections de Paris ce que demandait ce peuple affamé. Il ne demande généralement que du travail. Ces procès-verbaux, pleins de fraternité, de secours mutuels, d’adoptions d’enfants, de charités du pauvre au pauvre, sont bien souvent édifiants. Le pauvre faubourg Saint-Marceau voudrait que l’on commençât quelque grand ouvrage d’utilité publique ; il prie le faubourg Saint-Antoine de s’unir à lui pour obtenir qu’on fasse le pont du Jardin des Plantes, qui unirait les deux faubourgs. (Procès-verbaux des sections, Quinze-Vingts, 22 novembre 1792.)