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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/189

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durement qu’il avait perdu l’avant-garde. La nécessité quotidienne d’arrêter les enragés l’attristait et l’annulait. Marat modéré ! Qu’était-ce, sinon la mort de Marat ?

Marat n’était pas seul malade… Eh ! qui ne l’était ? Il y avait un grand sentiment de découragement et de douleur.

Cette douleur avait mille causes. La plus forte peut-être, c’était la contradiction fatale des discours et des pensées. On couvrait tant qu’on pouvait sous la violence des paroles la diminution de la foi, l’attiédissement intérieur.

« Hélas ! disait Ducos, le défenseur de la Gironde, aux Montagnards modérés, quand je vous prends un à un, je vous vois pénétrés de respect pour la justice ; réunis, vous votez contre. » (Séance du 24 juin.)

« Les séances de l’Assemblée sont maintenant, disent les journaux, d’une décence extraordinaire. » Elles étaient silencieuses et courtes ; on décrétait à la course ; on partait dès qu’on pouvait. La nécessité du mensonge et de l’exagération était trop pesante.

On était obligé de redire tout le jour ce que généralement on ne croyait pas : que la Gironde avait trahi. Ce qu’on croyait et qui était vrai, c’est qu’elle était inhabile, faible et molle, dangereuse, qu’elle eût perdu le pays.

Sur ce funèbre radeau de sauvetage où flottait la France naufragée, elle se voyait obligée de jeter à la mer les incapables pilotes qui l’auraient fait chavirer. Elle tâchait de les croire coupables ; pour le