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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/214

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Nous pouvons en connaissance de cause rendre ce témoignage aux hommes de l’Ouest ; ils sont économes, ils sont généreux. La simplicité antique des mœurs, la sobriété habituelle, la parcimonie même, qui est leur caractère, leur permettent dans les grandes circonstances une munificence héroïque, une noble prodigalité ; quand le cœur s’ouvre, la main s’ouvre aussi, large et grande[1].

Nantes alors nourrit tout un monde ; elle devint la maison de tous ceux qui n’en avaient plus : la grande cité ouvrit à ce pauvre troupeau fugitif de la guerre civile des bras maternels. Elle logea, solda ce peuple, remplit ses couvents déserts des habitants légitimes pour qui ils furent fondés, des pauvres.

Que telle ville, comme Valenciennes, fût prise par les Autrichiens, ou Nantes par les Vendéens, ce n’était pas la même chose. Le droit des gens, dans le premier cas, protégeait les habitants ; qu’avaient-ils à craindre ? Mais Nantes prise, les Nantais allaient

  1. Tels ils étaient alors, tels je les ai trouvés, quand dans ce grand naufrage je suis venu poser ici mon mobile foyer. Mon cœur s’est réchauffé en voyant que la France est toujours la France. Il ne tenait qu’à moi d’user très largement de cette noble hospitalité. — Un brave Vendéen tout d’abord, excellent patriote, sachant que j’écrivais ici la Vendée de 1793, vint m’offrir de me prendre dans sa voiture et de faire avec moi, pour moi, la visite de toutes les localités devenues historiques ; je refusai de lui faire faire ce dispendieux voyage. Alors il s’enhardit et m’avoua qu’il avait un autre but auquel il voulait en venir, de m’offrir sa maison de Nantes. — D’autres personnes ont aussi voulu également s’emparer de moi et me conduire partout. — Qu’ils m’excusent de n’avoir rien accepté. Le lien fort et sacré de l’hospitalité antique, égal à celui de la parenté, n’en est pas moins formé entre eux et moi. Ceux de la sympathie existaient dès longtemps. Les premières pages de ma Description de la France (t. II de mon Histoire) le témoignent assez. — Ce dont j’avais besoin, en sortant de Paris, c’était d’être éclairé, soutenu dans