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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/277

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telier et acheta quarante sous un couteau, frais émoulu, à manche d’ébène, qu’elle cacha sous son fichu.

La voilà en possession de son arme ; comment s’en servirat-t-elle ? Elle eut voulu donner une grande solennité à l’exécution du jugement qu’elle avait porté sur Marat. Sa première idée, celle qu’elle conçut à Caen, qu’elle couva, qu’elle apporta à Paris, eût été d’une mise en scène saisissante et dramatique. Elle voulait le frapper au Champ de Mars, par-devant le peuple, par— devant le ciel, à la solennité du 14 juillet, punir, au jour anniversaire de la défaite de la royauté, ce roi de l’anarchie. Elle eût accompli à la lettre, en vraie nièce de Corneille, les fameux vers de Cinna :

Demain au Capitole il fait un sacrifice…
Qu’il en soit la victime, et faisons en ces lieux
Justice au monde entier, à la face des dieux.

La fête étant ajournée, elle adoptait une autre idée, celle de punir Marat au lieu même de son crime, au lieu où, brisant la représentation nationale, il avait dicté le vote de la Convention, désigné ceux-ci pour la vie, ceux-là pour la mort… Elle l’aurait frappé au sommet de la Montagne. Mais Marat était malade ; il n’allait plus à l’Assemblée.

Il fallait donc aller chez lui, le chercher à son foyer, y pénétrer à travers la surveillance inquiète de ceux qui l’entouraient ; il fallait, chose pénible, entrer en rapport avec lui, le tromper. C’est la seule chose