Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’étoffe rouge relevaient d’une manière étrange et toute fantastique l’effet de son teint, de ses yeux.

On assure que Robespierre, Danton, Camille Desmoulins, se placèrent sur son passage et la regardèrent. Paisible image, mais d’autant plus terrible, de la Némésis révolutionnaire, elle troublait les cœurs, les laissait pleins d’étonnement.

Les observateurs sérieux qui la suivirent jusqu’aux derniers moments, gens de lettres, médecins, furent frappés d’une chose rare ; les condamnés les plus fermes se soutenaient par l’animation, soit par des chants patriotiques, soit par un appel redoutable qu’ils lançaient à leurs ennemis. Elle montra un calme parfait, parmi les cris de la foule, une sérénité grave et simple ; elle arriva à la place dans une majesté singulière et comme transfigurée dans l’auréole du couchant.

Un médecin qui ne la perdait pas de vue dit qu’elle lui sembla un moment pâle, quand elle aperçut le couteau. Mais ses couleurs revinrent, elle monta d’un pas ferme. La jeune fille reparut en elle au moment où le bourreau lui arracha son fichu ; sa pudeur en souffrit, elle abrégea, avançant d’elle-même au-devant de la mort.

Au moment où la tête tomba, un charpentier maratiste, qui servait d’aide au bourreau, l’empoigna brutalement et, la montrant au peuple, eut la férocité indigne de la souffleter. Un frisson d’horreur, un murmure parcourut la place. On crut voir la tête rougir. Simple effet d’optique peut-être ; la foule,