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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/325

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frappée d’une grêle effroyable de revers et de mauvaises nouvelles.

Revers tout personnels pour l’Assemblée. La Montagne elle-même était allée à la frontière. Nombre de ses membres, avec un dévouement admirable, sans songer qu’il sortaient de professions civiles, avaient pris l’épée en juillet et marché aux armées, acceptant toute la responsabilité, défiant la fortune. Là ils avaient trouvé tout ennemi, les militaires hostiles, la discipline anéantie, le matériel nul, la désorganisation radicale des administrations de la Guerre, l’ineptie du ministre, la perfidie souvent des hébertistes, toujours leur incapacité. Et tout cela retombait sur les représentants. Battus, blessés, comme Bourbotte, déshonorés, comme d’autres, et tout près de la guillotine ! À Mayence, Merlin (de Thionville) arrêta toutes les forces de la Prusse, se battit comme un lion, couvrit la France quatre mois et au retour faillit être arrêté. À Valenciennes, Briez et un autre se défendirent quarante jours et contre

    Garat faisait aux départements pour connaître l’état de la France. Il y avait entre autres celle-ci : « Combien perdent les assignats ? » Collot court à la Convention, dénonce, crie, écume : « Supposer que les assignats peuvent perdre !… crime ! » Avec son art de comédien, ayant rendu l’homme odieux, il le rend ridicule, sur que, si la Convention se met à rire, si le mépris atteint Garat, l’affaire est faite, il est tué ! — Garat, appelé en hâte, était fort pâle à la barre, et plus il était pâle, plus l’affaire allait mal. Danton, alors président, vit qu’il enfonçait. Il céda le fauteuil, monta : « Garat, dit-il, n’est pas né pour s’élever jamais à l’énergie, à la hauteur révolutionnaire. » Et mettant solennellement la main sur la tête du pauvre diable : « Je te déclare innocent, de par la nature. » — Cette grande scène de comédie, meilleure que celle de Collot, sauva Garat, qui fut quitte pour sa place et garda sa tête. Hébert manqua sa proie. Le ministère fut donné à un ami de Danton.