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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/353

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Il y avait dans le Comité deux dantonistes, Hérault et Thuriol, qui, pour que le Comité fût un gouvernement, sans nul doute appuyèrent Barère. Couthon, qui avait si vivement saisi ce mot de Danton, l’aura peut-être encore suivi en cette circonstance. Saint-Just enfin aimait l’audace ; quelque peu sympathique qu’il fût à la personne de Garnot, je parierais qu’il accepta son héroïque expédient.

Le difficile était d’amener Robespierre à braver la presse hébertiste, à toucher le sacro-saint ministère de la guerre, à irriter la meute du Père Duchesne. Il ne s’agissait pas là de partis ni d’opinions : il s’agissait d’argent. En appelant à la surveillance de la Guerre deux militaires, Carnot et Prieur, on ouvrait une fenêtre sur cette caisse mystérieuse. Robespierre comptait sans nul doute éclairer un jour tout cela et serrer ces drôles de près. Mais ils étaient encore bien forts. Ils pouvaient un matin tirer sur lui à six cent mille, comme en octobre ils le firent sur Danton. S’ils n’eussent osé l’attaquer, ils l’eussent travaillé en dessous, cette grande autorité morale de Robespierre, cette position quasi sacerdotale dans la Révolution, elle s’était formée en cinq années, elle était entière ; mais c’était chose délicate, comme la réputation d’une femme, qui perd à la moindre insinuation.

Autre danger. Carnot n’était pas Jacobin, et il n’avait jamais voulu mettre les pieds aux Jacobins. La société jacobine, en cette affaire, ne se mettrait-elle pas avec les hébertistes contre le Comité ?