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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/403

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pire le soldat de la République, l’homme du devoir sans ambition. Seize ans après 1793, il était encore simple colonel, quand le dernier jour de l’horrible boucherie d’Eylau, tous étant épuisés, il recommença la bataille, traversa deux fois l’armée russe, arracha la victoire et la donna à l’Empereur.

Nommons le général de l’avant-garde mayençaise, l’immortel, l’infortuné Kléber. C’était alors un homme de trente-deux ans, d’une maturité admirable, d’une figure si militaire qu’on devenait brave à le regarder. Il était très instruit et avait fait toutes les guerres d’Allemagne. À Mayence, on lui avait donné le commandement des postes extérieurs, c’est-à-dire un combat de cent vingt jours de suite. La récompense l’attendait à la frontière. Il fut arrêté. Tel était son destin. Toujours victime. Il le fut en Vendée, il le fut sur le Rhin où on le laissa sans secours. Il le fut en Égypte. Et il l’est dans l’histoire encore.

Avec cette stature imposante, cette figure superbe et terrible, il n’y eut jamais un homme plus modeste, plus humain, meilleur. Marceau avait pour lui un sentiment de vénération, une profonde déférence et une sorte de crainte, comme pour un maître sévère et bon. Kléber, de son côté, avait senti l’extraordinaire beauté morale du jeune homme et son charme héroïque qui enlevait les cœurs. Plus tard, on le verra, refusant le commandement, il força Marceau de le prendre et lui donna ainsi la gloire du dernier coup d’épée qui finit la Vendée.

On ne peut sans émotion écrire l’histoire de ces