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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/443

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Or les nôtres, après leur perte énorme, ne se tenant pas pour vaincus, ils ne le furent pas en effet.

Carnot, dit-on, reçut la nuit un avis important. Quel ? On ne le sait pas. Mais on peut bien le deviner. Il reçut, dans cette nuit du 15 au 16, la nouvelle que, le 13, la Prusse et l’Autriche, lançant devant eux la valeur furieuse, désespérée des émigrés, avaient forcé les lignes de l’Alsace, les portes de la France.

Donc il fallait absolument, et sous peine de mort, vaincre le 16.

Le 16 aussi mourait la reine.

Le 16, l’ébranlement immense de la Vendée eut son effet ; elle passa la Loire ; cette grande armée désespérée courut l’Ouest, plus redoutable que jamais. Où se jetterait-elle ? Sur Nantes ou sur Paris ?

Le désespoir aussi illumina Carnot, Jourdan. Ils firent cette chose incroyable. Sur quarante-cinq mille hommes qu’ils avaient, ils en prirent vingt-quatre mille et ils les portèrent à la gauche, laissant au centre et à la droite des lignes faibles, minces et sûres d’être battues. Ce centre et cette droite sacrifiés devaient cependant agir, agir tout doucement.

Le destin de la France, complice d’une opération si hasardeuse, nous accorda un grand brouillard d’octobre. Si Clairfayt avait eu du soleil, une longue-vue, tout était perdu. L’affaire devenait ridicule ; on