Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/214

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disait des choses très fortes, pleines de sens et de douleur :

« Ah ! f… botes ! ils vont crier : Vive la République ! quand ils me verront passer ! »

« Voilà que tout va s’en aller dans un gâchis épouvantable. .. Encore si je laissais mes jambes à Couthon et mes c… à Robespierre, cela pourrait marcher encore quelque temps. »

Tous moururent très bien. Même Chabot se releva à la mort par un touchant remords de justice et d’amitié. Malade, demi-empoisonné (il ne put en venir à bout), il ne songea pas à lui-même, mais à Bazire qu’il entraînait : « Que je meure, à la bonne heure ! disait-il, mais toi ! pauvre Bazire ! mais toi !… Pauvre Bazire ! qu’as-tu fait ? »

Bazire avait été véritablement héroïque. Son violent ennemi Hébert, qui travaillait à le perdre, lui fit dire au commencement que, « s’il se séparait de Chabot, on le tirerait d’affaire ». Quelque indigne que fût Chabot, Bazire resta fidèle à l’amitié et refusa de perdre celui qui l’avait perdu.

« Pauvre Bazire ! qu’as-tu fait ? » Tout son crime fut d’avoir un cœur. Et qui prouve que son humanité lui ait fait trahir ses devoirs ? Quand il eût écrit à Barnave : « Aucune pièce contre vous… », quand il aurait renvoyé une dame étrangère contre qui on n’avait ni témoins ni preuves, de tels actes suffisaient-ils pour le mener à la mort ?

« Pauvre Phelippeaux, qu’as-tu fait ? » On pouvait bien aussi le dire. La même charrette empor-