Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/239

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Rien ne caractérise plus la rare originalité d’Anacharsis Clootz que le sentiment profond qu’il eut de Paris, sa déférence docile pour la Commune de Paris, en qui il reconnaissait le Précurseur du genre humain, l’ardent, l’aveugle messager, instinctif et inspiré, qui, sans savoir ce qu’il fait, court devant la Révolution, portant son flambeau.

Il vit là la Révolution, et non pas ailleurs, — là l’orthodoxie. Il ne fut point rebuté des accidents, des souillures qui accompagnent toute grande opération sociale. Il suivit naïf et docile, attentif (comme, après tout, on marchait en pleine nuit) à serrer de très près la voie, à ne point s’écarter d’un pas. De là sa dévotion un peu littérale. Il s’en excuse très bien dans sa réponse à Desmoulins : « Suivons toujours, et de près, la sainte sans-culotterie. »

Touchant spectacle de voir ce génie idéaliste écouter religieusement les triviales prédications, toutes basses et terre à terre, de l’apôtre des Filles-Dieu. L’Allemand, par un noble effort, sorti de tout panthéisme, libre de toute scolastique, apprenait, sous un polisson, sous un gamin de Paris, à matérialiser suffisamment sa pensée pour qu’elle s’assimilât la matière vivante et qu’elle en dégageât l’esprit.

L’apôtre Chaumette en lui-même était peu de chose, mais il était beaucoup comme fétiche de Paris. Cela ne se discute pas. Un fétiche, comme saint Janvier pour les lazzaroni de Naples, est ou