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L’hérétique au fond, l’impie, le martyr de la liberté, n’était pas tant Chaumette ou Clootz que Paris même. C’était lui qu’on frappait en eux, c’était l’audacieuse avant-garde de la pensée humaine, du libre génie de la terre, qui eut son Précurseur dans la grande Commune. Après ce coup de massue, Paris, un moment retardé (un demi-siècle est un moment), s’écarta des voies religieuses et de l’initiation philosophique, pour y retourner plus tard par le circuit du socialisme, qui l’y ramènera sans nul doute.

Chaumette, malgré sa faiblesse, a emporté un double titre. Jamais magistrat populaire ne se montra si inépuisablement fécond en idées bienveillantes, utiles[1].

D’autre part, grâce à la farouche intolérance de ses ennemis, il tient sa place dans la glorieuse série de ceux qui payèrent de leur sang pour la liberté religieuse. Les Bruno, les Morin (celui-ci brûlé sous Louis XIV, 1664 !) ont pour successeur légitime le pauvre Anaxagoras. Les six cent mille protestants émigrés sous le grand roi, les cinquante mille jansénistes mis à la Bastille, les martyrs bien plus nombreux de la liberté de pensée qu’une intolérance plus machiavélique fait depuis mourir de faim, ils doivent reconnaître un frère dans l’apôtre de la Raison, qui fut la voix de Paris.

  1. On l’a vu au livre XV. J’y pourrais ajouter beaucoup. L’organisation de la Morgue, la bienfaisance judiciaire, consultations gratuites pour les pauvres, etc. Sa tolérance pour les prêtres mêmes est frappante dans les Révolutions de Paris, devenues (en octobre) l’organe de la Commune (n°224).