Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/251

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milliards !… Absorbés. Où est le domaine royal ?… Et les biens des émigrés ? Voilà qu’ils fondent, ils disparaissent. .. Demain ils seront dévorés.

« Cette grande dot de la nation, ce patrimoine du pauvre, cette restitution naturelle des oisifs au peuple, le rêve de la Révolution, qu’est-ce que tout cela est devenu ? Tout a péri entre les mains ineptes 1, perfides peut-être, de cet exterminateur de la fortune publique.

« Qu’a-t-il su et qu’a-t-il fait ? Quelle fut la recette de cet empirique ? Une seule, la planche aux assignats. Cette planche, il s’y acharne, la roulant la nuit, le jour. À tout une seule parole, toujours la même réponse : « Encore un milliard ! » Non content des gros assignats, il les a divisés menus, partout divisés en parcelles. Et voilà que l’agiotage s’est répandu, jusque dans les moindres villages.

« Tout cela est-il innocent ? La faculté d’acheter les biens nationaux par annuités, qui a-t-elle favorisé ? L’homme d’argent, le spéculateur, qui, dès qu’il a jeté son premier payement minime, son sou à la nation, revend à profit, embourse et, de ce prix de revente, spécule, agiote et accapare, cache les denrées, organise la disette et regagne encore.

« N’avait-on pas dit à Cambon, l’autre hiver, que ses ventes précipitées des églises amenaient la guerre civile ?… Qui fit la Vendée ? C’est lui.

« Homme fatal !… Et le pis, les maux qu’il a faits dureront toujours. Tout a passé aux voleurs ; nous restons la faim aux dents. La ruse triomphe à jamais.