Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/275

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sans doute, dressé pour ce créateur ? » Oui, sur la fatale charrette, à la place de la Révolution.

Pas un mot de plus. Ceci parle assez. Avec la grandeur du mouvement, on voit sa brutalité, son aveuglement, son vertige.

Elle commence, la grande, la terrible opération, qui, par jugements, proscriptions, batailles, famines, hôpitaux, va, de 1794 à 1815, pendant plus de vingt années, dissoudre, décomposer, rendre au repos de la nature cette énorme masse vivante de tant de millions d’hommes.

Une émotion de plaisir, sauvage, homicide, est attachée, chez beaucoup d’hommes, à la destruction. Chose triste et sombre à dire : ils aiment à détruire autant qu’à créer. Dans les basses et stériles natures, c’est à détruire qu’on se sent dieu.

Et plus la nature est stérile, pauvre et tarie de jouissances, plus elle demande ses joies à la mort, à la douleur. Les récréations d’un peuple serf, délaissé sans vie morale, sans idée, sans espoir d’amélioration, c’étaient la potence et la roue. Les récréations de ses maîtres, c’étaient l’outrage et les coups, c’étaient le fouet et le bâton. Ce que nous voyons en Russie, où, de relais en relais, le postillon est fouetté, de quelque façon qu’il aille, pour l’amusement du conducteur, offre une image affaiblie de ce joyeux Moyen-Âge. Joyeuse France, joyeuse Angleterre, c’est un mot proverbial, tout pays alors est joyeux.

Au dix-septième siècle encore, il y avait beau-