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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/310

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Il ne prévoyait qu’un danger, le moindre, l’assassinat. Toute puissance était dans sa main. Toute place occupée par les siens. Des trois forces collectives que comptait la France, la jacobine était à lui, la militaire lui venait ; la troisième, celle des prêtres, sourdement protégée par lui, se rallie toujours au pouvoir. La fête de l’Être suprême allait être un premier pas dans la voie du rapprochement.

Ces pensées satisfaisantes l’occupaient dans le jardin de ses promenades habituelles, le parc réservé de Monceaux. Avec Dumas, Renaudin, Payan, Coffinhal, ses fidèles, ses violents, il marchait deux heures au moins, d’un pas rapide, accéléré, au mouvement de ses rêves, se parlant haut, sortant là de sa raideur ordinaire. La mort était à deux pas… Le savait-il ? Songeait-il qu’à peine un méchant petit mur le séparait du lieu aride, du lit de chaux dévorante où il avait mis Danton, Desmoulins, et où dans cinquante jours il devait venir lui-même ? Cette longue association de tribune avec Danton, cette camaraderie d’éloquence, ce bon, ce grand cœur de Camille, qui lui fut si -dévoué, tout ce passé déchirant était là tout près de lui dans la terre ; ils l’attendaient, l’appelaient, non comme des ombres irritées, mais comme des amis magnanimes, dans la clémence et la nature.