Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/334

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de la Gironde ; il reconnaît hautement et ses services, et son courage, son esprit étincelant. Cet hommage de la vérité par la bouche de la mort était beaucoup, entre Français. La plupart voulaient bien mourir avec leur principe vaincu, mais voulaient mourir honorés.

Le tribunal de prairial, exécrable par sa rapidité furieuse, le fut encore plus par l’insulte, les lâches et les basses risées. Dumas était ricaneur. Le premier des jurés, Vilatte, le seul du moins qui fût lettré, ex-prêtre et régent de collège, jeune, écervelé, libertin, imitant les élégantes légèretés de Barère et autres grands seigneurs du temps, jugeait la montre à la main et, dans ces fournées terribles de cinquante hommes à la fois, ne pardonnait pas aux mourants de le faire dîner trop tard.

Nul doute que l’idée adoptée alors et devenue fixe ne fût la proscription absolue de tous les suspects. Il fallait le dire. Il valait mieux imiter la franchise de Sylla. Mais ces comédies de juges, de jurés, cette dérision de justice, voilà qui était horrible.

La multiplicité des mains par qui la chose passait faisait précisément la nullité des garanties.

Qui devait alimenter le tribunal ? Le Comité de sûreté. Qui l’alimentait lui-même ? Une commission établie au Louvre qui choisissait dans les prisons, dressait les listes des morts, les envoyait au Comité. Le Comité les signait, les donnait le soir à Fouquier-Tinville.