Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/375

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l’affaire de Bicêtre, méprisée d’abord comme affaire de galériens, n’était qu’une expérience qui allait monter plus haut. Un représentant du peuple ! un membre des Comités ! un montagnard éminent ! un malheureux patriote qui n’avait failli qu’une fois par faiblesse et par amour ! un pauvre homme déjà condamné !… C’était un coup violent pour l’Assemblée elle-même. Elle devait y pressentir l’ouverture du grand procès qui, de l’un à l’autre parti, des hébertistes aux dantonistes, menaçant deux cents représentants revenus de mission, pouvait gagner, comme un chancre, la Convention tout entière.

Fouquier, avec plus de malice qu’on ne lui eût supposé, rendit le procès ridicule autant qu’il était atroce. Il accusa ces prisonniers d’avoir voulu égorger les membres des Comités, leur rôtir et manger le cœur.

La terreur fut telle à Bicêtre, quand on fit l’enlèvement, qu’un homme de quatre-vingts ans, qui n’était pas sur la liste, jeta son argent aux latrines et s’ouvrit le ventre avec un rasoir. Les trente furent menés à Paris, et la nuit déposés au Plessis, où Osselin, faute d’autres armes, se perça le cœur d’un clou. Malheureusement il vivait quand on vint le prendre ; on le traînait, et il ne pouvait mourir ; les uns le tirant en arrière, disant : « Il est mort » ; les autres en avant : « Il mourra. » Et ce corps, quasi expiré, présenté au tribunal, on l’interrogea. Il râlait… On précipita le départ, moyennant quoi il