Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/393

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l’abattement. La guillotine roulait à son heure, faisait son repas. Les charrettes de cette boucherie venaient lui apporter sa viande ; le tombereau retournait plein. C’était une sorte de routine, une mécanique arrangée. Chacun semblait habitué. Était-ce blasement ou vertige ? Ce qu’on peut dire, c’est que l’homme qui semblait tourner cette roue, Fouquier-Tinville, commençait à s’éblouir. On assure qu’il eut l’idée d’introniser la guillotine au tribunal même. Les comités lui demandèrent s’il était devenu fou.

La terreur n’augmentait pas : soixante têtes, quarante ou trente, pour l’effet, c’était même chose. Mais l’horreur venait.

Je touche ici un triste sujet ; l’histoire le veut. Parvenu au plus haut de la Terreur, j’y trouve, comme au sommet des grandes montagnes, une extrême aridité, un désert où la vie cesse. Tout ce que je vais écrire ’est tiré littéralement de la sécheresse administrative des actes de l’époque[1]. La pitié était éteinte ou muette, l’horreur parlait, le dégoût, l’inquiétude de la grande ville, qui craignait une épidémie. Les vivants s’alarmèrent, crurent être entraînés par les morts. Ce qu’on n’eût osé dire au nom de l’humanité, on le dit au nom de l’hygiène et de la salubrité.

  1. Je dois tous les renseignements qui suivent à MM. les employés des archives de la Préfecture de la Seine. M. Albert Aubert m’a ouvert ce précieux dépôt, et M. Hardy a bien voulu faire le travail très considérable qui pouvait seul éclaircir ces questions, jusqu’ici absolument inconnues.