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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/47

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Telle fut aussi, dans son règne si court, la frayeur de Robespierre.

Un mot, gai comme ceux du festin de Balthazar, était écrit dans Desmoulins : « À côté de la guillotine où tombent des tètes de rois, on guillotine Polichinelle, qui partage l’attention. »

Le puissant chef des Jacobins, qui avait fait le miracle le plus incroyable en France, une royauté d’opinion, sans armes, sans succès militaire, sentait bien que le mystère de cette puissance était tout dans le sérieux, que si la France perdait son sérieux une minute, la fascination finissait, le prestige s’évanouissait, tout était fini.

Cet homme, vraiment extraordinaire, d’apparence aristocratique, avocat et juge d’Eglise, d’une personnalité anti-militaire, avait contre lui à la fois et les instincts révolutionnaires et les tendances militaires de la nation. À quoi tenait le mystère de sa puissance ? À l’opinion qu’il avait su imprimer à tous de sa probité incorruptible et de son immutabilité. Tous les autres personnages de la Révolution furent naïvement mobiles, au gré des événements. Lui seul, avec un merveilleux esprit de suite, une tactique prodigieuse, il manœuvra de manière à soutenir le renom de cette immutabilité. Il finit par le soutenir de sa seule affirmation. Et sa parole eut un tel poids qu’on en vint à démentir l’évidence même des faits, à accepter comme autorité supérieure, contre la réalité, l’affirmation de Robespierre.