Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/49

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Il y eut un côté que ne put jamais atteindre l’excellent observateur ; sa nature était fine, forte, ardente, mais point élevée. Le côté élevé du sujet lui resta inaccessible.

Robespierre ne trompait les autres que parce qu’avec une étonnante habileté instinctive, il se trompait d’abord lui-même, qu’il était sa propre dupe, et que, sous les tours, retours, circuits infinis de l’hypocrisie que lui imposait le moment, il restait sincère dans l’amour du but où il croyait arriver par cette route sinueuse.

Ce haut mystère de la nature : le grand nombre d’enveloppes dont l’âme humaine est compliquée, lesquelles, rentrant l’une dans l’autre, l’empêchent de se voir elle-même, ce qu’un mystique appelle ingénieusement : les sept enceintes du château de l’âme ; — tout cela était lettre close pour Fabre d’Églantine.

Il ne voyait que la surface, mais voyait parfaitement, décrivait avec une propriété, une fine spécification, qui contraste avec cet âge de fades généralisateurs. Ce don n’appartient guère alors qu’aux deux éminents comiques, Fabre et Camille Desmoulins. Le beau portrait de Marat qu’a fait le premier est une œuvre d’une fermeté, d’une précision admirables. Il fait habilement ressortir le trait dominant de Marat, celui qui couvre le reste et le sauve dans l’avenir, son incontestable candeur. Ce portrait, piquant en lui-même, l’est bien plus par le moment, par l’à-propos du jour où il fut lancé.