Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/67

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Fabre avait lancé Bourdon (de l’Oise), pour accuser et faire sauter Héron, l’agent des comités, — c’est ce jour qu’on exhuma la seconde minute qui porte les deux surcharges. On répandit dans Paris qu’une pièce avait été trouvée, écrite par Benoît, d’Angers (qui était en fuite), interlignée par Delaunay, d’Angers, signée de Fabre, etc. Fabre avait signé, Cambon aussi, de confiance. Il n’y avait pas là de quoi prendre Fabre. Heureusement on avait en prison ce Delaunay, la machine à dénoncer ; on le tenait à la gorge en faisant semblant de croire que la pièce était interlignée par lui Delaunay. On était sûr que ce Delaunay, sous cette pression de terreur, crierait que les additions n’étaient pas de lui, mais de Fabre. C’est ce qu’il ne manqua pas de faire le 9 janvier, le jour où la lutte entre Fabre et Robespierre lui fit croire que, pour gagner le second, il fallait tuer le premier.

Cet homme utile, en récompense, vivait royalement en prison ; tout y abondait, les vins délicats, les fruits exotiques, les filles surtout, ce qui peut énerver, troubler, annuler la conscience. On l’abrutissait et on l’effrayait, on en tirait ce qu’on voulait. Entre deux vins, il savait tout, révélait tout, dénonçait tout.

Qu’aurait-on fait, si on eût voulu suivre une marche simple et loyale ? On n’aurait pas été demander la vérité à Delaunay, dans cet égout de prison. On eût fait, en plein soleil, la simple et naturelle enquête qui ouvre toute affaire de ce genre, l’enquête des écritures