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très modeste, très respectueux, trop bien appris pour vouloir être représenté par des hommes du Tiers. Il nommait souvent des nobles pour députés, le plus souvent des anoblis, gens du Parlement et autres, qui se piquaient de voter avec la Noblesse, contre les intérêts du Tiers qui les avait nommés.

Chose étrange et qui prouve qu’on n’avait pas d’intention sérieuse, qu’on voulait seulement, par cette grande fantasmagorie, vaincre l’égoïsme des privilégiés, desserrer leur bourse, c’est que, dans ces États appelés contre eux, on s’arrangeait néanmoins pour leur assurer une influence dominante[1]. Les assemblées populaires devaient élire à haute voix. On ne supposait pas que les petites gens, dans un tel monde d’élection, en présence des nobles et notables, eussent assez de fermeté pour leur tenir tête, assez d’assurance pour prononcer d’autres noms que ceux qui leur seraient dictés.

En appelant à l’élection les gens de la campagne, des villages, Necker croyait faire, on n’en peut douter, une chose très politique ; autant l’esprit démocratique s’était éveillé dans les villes, autant les campagnes étaient dominées par les nobles et le Clergé, possesseurs des deux tiers des terres.

  1. Les ordres privilégiés étaient doublement favorisés :

    1o Ils n’étaient pas soumis aux deux degrés d’élection, ils élisaient directement leurs députés ;

    2o Les nobles étaient tous électeurs, et non pas seulement les nobles qui avaient des fiefs, comme aux anciens États : le privilège était plus odieux encore ; se trouvant étendu à toute une populace de nobles, les prétentions étaient plus ridicules.