Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il déclarait « désirer que les conférences reprissent en présence du garde des sceaux et d’une commission royale ». Le roi empêchait ainsi la réunion du Clergé au Tiers, et se faisait visiblement l’agent des privilégiés.

Cette lettre, peu royale, était un piège tendu. Si le Tiers acceptait, le roi, juge des conférences, pouvait étouffer la question par un arrêt du Conseil, et les ordres restaient divisés. Si le Tiers refusait seul, les autres ordres acceptant, il portait seul l’odieux de l’inaction commune ; seul, dans ce moment de misère et de famine, il ne voulait pas faire un pas pour secourir la nation. Mirabeau, en montrant le piège, conseilla à l’assemblée de paraître dupe, d’accepter les conférences, en protestant par une adresse.

Nouveau piège. Dans ces conférences, Necker fit appel au sentiment, à la générosité, à la confiance. Il conseillait que chaque ordre s’en remît aux autres de vérifier ses pouvoirs ; en cas de dissentiment, le roi jugerait. Le Clergé accepta sans hésiter. Si la Noblesse eût accepté, le Tiers restait seul contre deux. Qui le tira de ce danger ? La Noblesse elle-même, folle et courant à sa perte. Le comité Polignac ne voulut point d’un expédient proposé par Necker, son ennemi. Avant même de lire la lettre du roi, la Noblesse avait décidé, pour fermer la voie à toute conciliation, que la délibération par ordres et le veto de chaque ordre sur les décisions des autres étaient des principes constitutifs de la monarchie. Le plan de Necker tentait beaucoup de nobles modérés ; deux