Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/100

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ici pour imposer à l’émeute. La Convention presque entière était secrètement unanime pour les garder à Paris ; elle n’osait le vouloir tout haut. Elle avait été profondément impressionnée d’un mot de Buzot, un mot prophétique, tiré des entrailles, d’un homme nullement timide, mais qui voyait venir la mort. À propos d’un rapport de Bazire qui innocentait septembre, il lança ce mot au centre : « Doit-on croire qu’on pourra toujours vous faire voter l’ordre du jour ? Quel gouvernement voulez-vous donc ? Quel apprêt funèbre vous préparez-vous à vous-mêmes ?… »

L’Assemblée eut froid, se tut. Mais elle reprit courage peu après, lorsqu’un homme, indépendant de la coterie girondine, Cambon, brisant à l’improviste tous les vains ménagements, lui montra sa position réelle, son danger, l’abîme où elle se laissait glisser, fascinée par la violence. Les Jacobins voulaient faire partir les fédérés, autrement dit, désarmer la Convention. On avait fait, hypocritement, présenter la demande par le ministre de la guerre, sous prétexte des besoins publics. Cambon éclata en paroles brèves et d’un accent terrible, comme un homme qui dirait : « Non, je ne veux pas mourir. » La Convention repoussa la demande du ministre, c’est-à-dire elle vota : Que les fédérés restaient à Paris.

Le discours de Cambon, sans apprêts ni éloquence, disait à peu près ceci : Qui a fait le 10 août ? Non ceux qui s’en vantent, mais nous, nous la Législative, qui avons désarmé le roi, lui avons chassé sa garde.