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Qu’il soit fermé à jamais[1], ce sinistre palais de Catherine de Médicis ! Malheur aux coupables fous qui croiraient pouvoir y dormir entre deux décapités, Louis XVI et Robespierre !

L’Antiquité consacrait les lieux frappés de la foudre, les dévouait à Pluton, les entourait soigneusement, de peur que quelque insensé ne mît étourdiement le pied sur la place brûlante et maudite, patrimoine du dieu des morts.

Trois dynasties sont tombées là, par un juste jugement ; la noire façade en a la trace. Grâces soient rendues à Dieu !… Mais c’est aussi là qu’au 2 juin 1793 le premier coup fut porté à la religion nationale, la Convention décimée ; là, fut assassinée la Loi.

Le palais n’avait nullement en 1793 ni les abords ni l’intérieur qu’on voit aujourd’hui. Les vastes et libres espaces du Carrousel étaient resserrés par divers constructions. À l’intérieur, on n’allait pas, comme aujourd’hui, de plain-pied, d’une extrémité à l’autre. On montait, on descendait, et pour remonter. La salle, organisée fort bien pour un petit théâtre de cour, faite pour la nuit seulement, pour ne s’éclairer jamais que de lumière artificielle, n’avait qu’un jour pauvre et tiré d’en haut. Toute figure, à ce jour louche, paraissait douteuse, blême,

  1. Fermé ou occupé par la Révolution elle-même, son vainqueur et son seul habitant légitime. Qu’elle l’occupe, ce palais, de ses tragiques ombres, des effigies de ses héros, de celles de ses victimes. Nul autre emploi raisonnable d’un tel lieu. C’est l’idée qui fut proposée (par M. Maurice) en 1848 : établir aux Tuileries le Musée de la Révolution.