Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Du reste, la tendance de Mickiewicz, dans son sublime effort pour amnistier la Russie, pour réconcilier les frères ennemis, Russes et Polonais, dans l’idée de l’origine commune, ne lui permettait guère d’insister sur ce qui est spécial aux Russes, sur ce qui les différencie des autres Slaves et les met au-dessous, sur la misérable décadence et l’avilissement où l’esprit slave est tombé dans ce grand empire.

En 1843, un savant agronome, M. Haxthaüsen, visite la Russie pour étudier les procédés de l’agriculture. Il ne cherchait que la terre et les choses de la terre, et il a trouvé l’homme.

Il a découvert la Russie. Sa patiente enquête nous a plus éclairés que tous les livres antérieurs mis ensemble.

Le témoignage de l’excellent observateur est d’autant moins suspect, qu’il peut être considéré comme celui même de la Russie, une déposition qu’elle fait sur elle-même. Recommandé par l’empereur, il a été conduit par les autorités, par les grands propriétaires, qui n’auraient pas manqué de lui cacher la vérité, s’il eût voulu connaître le gouvernement russe, mais qui se faisaient un plaisir de lui faire connaître en détail toute la vie inférieure de la Russie, le serf et le village, la condition de la culture et du cultivateur.

L’Allemand, ainsi mené, va lentement de commune en commune, regarde, observe, interroge, autant qu’il peut ; et, quel que soit son respect un peu servile pour le gouvernement, sa déférence respectueuse pour les grands personnages qui le conduisent sur leurs terres, il n’en conserve pas moins une remarquable liberté de jugement.