Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/337

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Les bûchers n’y firent rien, mais bien certaine politique.

On divisa habilement le royaume de Satan. Contre sa fille, son épouse, la Sorcière, on arma son fils, le Médecin.

L’Église, qui, profondément, de tout son cœur, haïssait celui-ci, ne lui fonda pas moins son monopole, pour l’extinction de la Sorcière. — Elle déclare, au quatorzième siècle, que si la femme ose guérir sans avoir étudié, elle est sorcière et meurt.

Mais comment étudierait-elle publiquement ? Imaginez la scène risible, horrible, qui eût eu lieu, si la pauvre sauvage eût risqué d’entrer aux Écoles ! Quelle fête et quelle gaieté ! Aux feux de la Saint-Jean, on brûlait des chats enchaînés. Mais la sorcière liée à cet enfer miaulant, la sorcière hurlante et rôtie, quelle joie pour l’aimable jeunesse des moinillons et des cappets !

On verra tout au long la décadence de Satan. Lamentable récit. On le verra pacifié, devenu un bon vieux. On le vole, on le pille, au point que des deux masques qu’il avait au Sabbat, le plus sale est pris par Tartufe.

Son esprit est partout. Mais lui-même, de sa personne, en perdant la Sorcière, il perdait tout. — Les sorciers furent des ennuyeux.


Maintenant qu’on l’a précipité tellement vers son déclin, sait-on bien ce qu’on a fait là ! — N’était-il pas un acteur nécessaire, une pièce indispensable de la grande machine religieuse, un peu détraquée