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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/348

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tirais du tombeau… » Soupirs, baisers, s’échangent. « Ne sens-tu pas comme je brûle ? » — L’Amour les étreint et les lie. Les larmes se mêlent au plaisir. Elle boit, altérée, le feu de sa bouche ; le sang figé s’embrase de la rage amoureuse, mais le cœur ne bat pas au sein.

« Cependant la mère était là, écoutait. Doux serments, cris de plainte et de volupté. — « Chut ! c’est le chant du coq ! À demain, dans la nuit ! » Puis, adieu, baisers sur baisers !

« La mère entre indignée. Que voit-elle ? Sa fille. Il la cachait, l’enveloppait. Mais elle se dégage, et grandit du lit à la voûte : « Ô mère ! mère ! vous m’enviez donc ma belle nuit, vous me chassez de ce lieu tiède. N’était-ce pas assez de m’avoir roulée dans le linceul, et sitôt portée au tombeau ? Mais une force a levé la pierre. Vos prêtres eurent beau bourdonner sur la fosse. Que font le sel et l’eau, où brûle la jeunesse ? La terre ne glace pas l’amour !… Vous promîtes ; je viens redemander mon bien…

« Las ! ami, il faut que tu meures. Tu languirais, tu sécherais ici. J’ai tes cheveux ; ils seront blancs demain[1]… Mère, une dernière prière !

  1. Ici, j’ai supprimé un mot choquant. Gœthe, si noble dans la forme, ne l’est pas autant d’esprit. Il gâte la merveilleuse histoire, souille le grec d’une horrible idée slave. Au moment où on pleure, il fait de la fille un vampire. Elle vient, parce qu’elle a soif de sang, pour sucer le sang de son cœur. Et il lui fait dire froidement cette chose impie et immonde : « Lui fini, je passerai à d’autres ; la jeune race succombera à ma fureur. »

    Le Moyen-âge habille grotesquement cette tradition pour nous faire peur du diable Vénus. Sa statue reçoit d’un jeune homme une bague qu’il lui met imprudemment au doigt. Elle la serre, la garde comme fiancée, et, la nuit, vient dans son lit en réclamer les droits. Pour le débarrasser de l’infernale