Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/35

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Vie toute naturelle, dans le sens inférieur, profondément matérielle, qui attache singulièrement l’homme en le tenant très bas. — Peu de travail, nulle prévoyance, nul souci d’avenir. — La femme et la commune, voilà ce qui protège l’homme. Plus la femme est féconde, plus la commune donne. L’amour physique et l’eau-de-vie, la génération incessante d’enfants qui meurent et qu’on refait sans cesse, voilà la vie du serf.

Ils ont horreur de la propriété. Ceux qu’on a faits propriétaires retournent vite au communisme. Ils craignent les mauvaises chances, le travail, la responsabilité. Propriétaire, on se ruine ; communiste, on ne peut se ruiner, n’ayant rien, à vrai dire. L’un d’eux, à qui on voulait donner une terre en propriété, disait : « Mais si je bois ma terre ? »

Il y a, en vérité, quelque chose d’étrange à confondre, sous ce même mot de communisme, des choses si différentes, à rapprocher ce communisme d’indolence et de somnolence des communautés héroïques qui ont été pour l’Europe la défense contre les barbares, l’avant-garde de la liberté. — Les Serbes, les Monténégrins, ces populations voisines des Turcs, dans leur lutte inégale contre ce grand empire, menacés à toute heure d’être enlevés captifs, traînés à la queue des chevaux, ont cherché, au milieu de ces extrêmes périls, l’unité et la force dans une sorte de communisme. Moissons communes, tables souvent communes, l’unité fraternelle dans la vie, dans la mort : une telle communauté, on l’a bien vu par leurs combats et par leurs chants, n’a nullement énervé leurs bras ni leur esprit.