Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était mort. Ses veines avaient éclaté… Ses artères lançaient le sang rouge jusqu’au front de ses assassins[1].


L’incertitude de la condition, la pente horriblement glissante par laquelle l’homme libre devient vassal, — le vassal serviteur, — et le serviteur serf, c’est la terreur du Moyen-âge et le fond de son désespoir. Nul moyen d’échapper. Car qui fait un pas est perdu. Il est aubain, épave, gibier sauvage, serf ou tué. La terre visqueuse retient le pied, enracine le passant. L’air contagieux le tue, c’est-à-dire le fait de main-morte, un mort, un néant, une bête, une âme de cinq sous, dont cinq sous expieront le meurtre.

Voilà les deux grands traits généraux, extérieurs, de la misère du Moyen-âge, qui firent qu’il se donna au Diable. Voyons maintenant l’intérieur, le fond des mœurs, et sondons le dedans.

  1. C’est ce qui arriva au comte d’Avesnes, quand sa terre libre fut déclarée un simple fief, et lui, le simple vassal, l’homme du comte de Hainaut. — Lire la terrible histoire du grand chancelier de Flandre, premier magistrat de Bruges, qui n’eut fut pas moins réclamé comme serf. Gualterius, Scriptores rerum Francicarum, xiii, 334.