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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/369

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d’enfants. — Ces pâtes roses n’ont que des nerfs. De là éclatera plus tard la danse épileptique du quatorzième siècle. Maintenant, vers le douzième, deux faiblesses sont attachées à cet état de demi-jeûne : la nuit, le somnambulisme, et, le jour, l’illusion, la rêverie et le don des larmes.


Cette femme, tout innocente, elle a pourtant, nous l’avons dit, un secret qu’elle ne dit jamais à l’Église. Elle enferme dans son cœur le souvenir, la compassion des pauvres anciens dieux[1], tombés à l’état d’Esprits. Pour être Esprits, ne croyez pas qu’ils soient exempts de souffrances. Logés aux pierres, au cœur des chênes, ils sont bien malheureux l’hiver. Ils aiment fort la chaleur. Ils rôdent autour des maisons. On en a vu dans les étables se réchauffer près des bestiaux. N’ayant plus d’encens, de victimes, ils prennent parfois du lait. La ménagère, économe, ne prive pas son mari, mais elle diminue sa part, et, le soir, laisse un peu de crème.

Ces Esprits qui ne paraissent plus que de nuit, exilés du jour, le regrettent et sont avides de lumières.

  1. Rien de plus touchant que cette fidélité. Malgré la persécution, au cinquième siècle, les paysans promenaient, en pauvres petites poupées de linge ou de farine, les Dieux de ces grandes religions, Jupiter, Minerve, Vénus. Diane fut indestructible jusqu’au fond de la Germanie (Voy. Grimm). Au huitième siècle, on promène les dieux encore. Dans certaines petites cabanes, on sacrifie, on prend les augures, etc. (Indiculus paganiarum, Concile de Leptines en Hainaut). Les Capitulaires menacent en vain de la mort. Au douzième siècle, Burchard de Worms, en rappelant les défenses, témoigne qu’elles sont inutiles. En 1389, la Sorbonne condamne encore les traces du paganisme, et, vers 1400, Gerson (Contra Astrol.) rappelle comme chose actuelle cette superstition obstinée.