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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/388

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veut qu’on le respecte. Quand il est monté au château, et que les jaloux ont fait mine de rire, de lui faire quelque tour : « Vous voyez bien ce créneau, dit le seigneur ; vous ne voyez pas la corde, qui cependant est prête. Le premier qui le touchera, je le mets là, haut et court. »


Ce mot circule, on le redit. Et il étend autour d’eux comme une atmosphère de terreur. Chacun leur ôte le chapeau bien bas, très bas. Mais on s’éloigne, on s’écarte, quand ils passent. Pour les éviter, on s’en va par le chemin de traverse, sans voir et le dos courbé. Ce changement les rend fiers d’abord, bientôt les attriste. Ils vont seuls dans la commune. Elle, si fine, elle voit bien le dédain haineux du château, la haine peureuse d’en bas. Elle se sent entre deux périls, dans un terrible isolement. Nul protecteur que le seigneur ou plutôt l’argent qu’on lui donne ; mais, pour le trouver cet argent, pour stimuler la lenteur du paysan, vaincre l’inertie qu’il oppose, pour arracher quelque chose même à qui n’a rien, qu’il faut d’insistances, de menaces, de rigueur ! Le bonhomme n’était pas fait à ce métier. Elle l’y dresse, elle le pousse, elle lui dit : « Soyez rude ; au besoin cruel. Frappez. Sinon, vous manquerez les termes. Et alors, nous sommes perdus. »

Ceci, c’est le tourment du jour, peu de chose en comparaison des supplices de la nuit. Elle a comme perdu le sommeil. Elle se lève, va, vient. Elle rôde autour de la maison. Tout est calme ; et