Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/448

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personnel et imbu de la personne, mais qu’elle-même n’aurait pas donné, par exemple, quelques fils arrachés d’un vêtement longtemps porté et sali, dans lequel elle eut sué. Tout cela, bien entendu, baisé, adoré, regretté. Mais il fallait le mettre aux flammes pour en recueillir la cendre. Un jour ou l’autre, en revoyant son vêtement, la fine personne en distinguait la déchirure, devinait, mais n’avait garde de parler et soupirait… Le charme avait eu son effet.


Il est certain que, si la Dame hésitait, gardait le respect du sacrement, cette vie dans un étroit espace, où l’on se voyait sans cesse, où l’on était si près, si loin, devenait un véritable supplice. Lors même qu’elle avait été faible, cependant, devant son mari et d’autres non moins jaloux, le bonheur sans doute était rare. De là mainte violente folie du désir inassouvi. Moins on avait l’union, et plus on l’eût voulue profonde. L’imagination déréglée la cherchait en choses bizarres, hors nature et insensées. Ainsi, pour créer un moyen de communication secrète, la sorcière à chacun des deux piquait sur le bras la figure des lettres de l’alphabet. L’un voulait-il transmettre à l’autre une pensée, il ravivait, il rouvrait, en les suçant, les lettres sanglantes du mot voulu. À l’instant, les lettres correspondantes (dit-on) saignaient au bras de l’autre.

Quelquefois, dans ces folies, on buvait du sang l’un de l’autre, pour se faire une communion qui, disait-on, mêlait les âmes. Le cœur dévoré de Coucy que la Dame « trouva si bon, qu’elle ne mangea