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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/479

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Saintré, type des Chérubins et autres poupées misérables des âges de décadence.

Sous tant d’ornements pédantesques et de moralité sentimentale, la basse cruauté du fond se sent très-bien. On y tue le fruit dans la fleur. C’est, en un sens, la chose qu’on reprochait à la sorcière, « de manger des enfants ». Tout au moins, on en boit la vie. Sous forme tendre et maternelle, la belle dame caressante n’est-elle pas un vampire pour épuiser le sang du faible ? Le résultat de ces énormités, le roman même nous le donne. Saintré, dit-il, devient un chevalier parfait, mais parfaitement frêle et faible, si bien qu’il est bravé, défié, par le butor de paysan abbé, en qui la Dame, enfin mieux avisée, voit ce qui lui convient le mieux.


Ces vains caprices augmentent le blasement, la fureur du vide. Circé, au milieu de ses bêtes, ennuyée, excédée, voudrait être bête elle-même. Elle se sent sauvage, elle s’enferme. De la tourelle, elle jette un regard sinistre sur la sombre forêt. Elle se sent captive, et elle a la fureur d’une louve qu’on tient à la chaîne. — « Vienne à l’instant la vieille !… Je la veux. Courez-y. » — Et deux minutes après : « Quoi ! n’est-elle pas déjà venue ? »

La voici. « Écoute bien… J’ai une envie… (tu le sais, c’est insurmontable), l’envie de t’étrangler, de te noyer ou de te donner à l’évêque qui déjà te demande… Tu n’as qu’un moyen d’échapper, c’est de me satisfaire une autre envie, — de me changer en louve. Je m’ennuie trop. Assez rester. Je veux, au