Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/486

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étaient plus rares en Italie. En quelques jours, Rome ne parlait d’autre chose. Cette affaire, qui fit grand bruit, recommanda sans nul doute le dominicain à l’attention. Il étudia, compila tous les Mallei et autres manuels manuscrits, et devint de première force en procédure démoniaque. Son Malleus dut être fait dans les vingt ans qui séparent cette aventure de la grande mission donnée à Sprenger par le pape Innocent VIII, en 1484.


Il était bien nécessaire de choisir un homme adroit pour cette mission d’Allemagne, un homme d’esprit, d’habileté, qui vainquît la répugnance des loyautés germaniques au ténébreux système qu’il s’agissait d’introduire. Rome avait eu aux Pays-Bas un rude échec qui y mit l’Inquisition en honneur et, par suite, lui ferma la France (Toulouse seule, comme ancien pays albigeois, y subit l’inquisition). Vers l’année 1460, un pénitencier de Rome, devenu doyen d’Arras, imagina de frapper un coup de terreur sur les chambres de rhétorique (ou réunions littéraires), qui commençaient à discuter des matières religieuses. Il brûla comme sorcier un de ces rhétoriciens et, avec lui, des bourgeois riches, des chevaliers même. La noblesse, ainsi touchée, s’irrita ; la voix publique s’éleva avec violence. L’Inquisition fut conspuée, maudite, surtout en France. Le Parlement de Paris lui ferma rudement la porte, et Rome, par sa maladresse, perdit cette occasion d’introduire dans tout le Nord cette domination de terreur.