Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/522

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ploité les bénéfices de l’Église. Il s’est fait directeur. Ou, si vous l’aimez mieux, le directeur s’est fait Satan.

Rappelez-vous donc, mon cher Lancre, les procès qui commencent dès 1491, et qui peut-être contribuent à rendre tolérant le Parlement de Paris. Il ne brûle plus guère Satan, n’y voyant plus qu’un masque.

Nombre de nonnes cèdent à sa ruse nouvelle d’emprunter le visage d’un confesseur aimé. Exemple cette Jeanne Pothierre, religieuse du Quesnoy, mûre, de quarante-cinq ans, mais, hélas ! trop sensible. Elle déclare ses feux à son pater, qui n’a garde de l’écouter, et fuit à Falempin, à quelques lieues de là. Le Diable, qui ne dort jamais, comprend son avantage, et la voyant (dit l’annaliste) « piquée d’épines de Vénus, il prit subtilement la forme dudit Père, et, chaque nuit revenu au couvent, il réussit près d’elle, la trompant tellement, qu’elle déclare y avoir été prise, de compte fait, quatre cent trente-quatre fois[1]… » On eut grande pitié de son repentir, et elle fut subitement dispensée de rougir, car on bâtit une bonne fosse murée près de là, au château de Selles, où elle mourut en quelques jours, mais d’une très bonne mort catholique… Quoi de plus touchant ?… Mais tout ceci n’est rien en présence de la belle affaire de Gauffridi, qui a lieu à Marseille pendant que Lancre instrumente à Rayonne.

Le Parlement de Provence n’eut rien à envier aux

  1. Massée, Chronique du monde (1510), et les chroniqueurs du Hainaut, Vinchant, etc.