Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/532

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à la fureur, et deux fois par jour reprenait l’exécution de la petite, sans respirer, sans suspendre une minute l’affreux torrent, à moins que l’autre, éperdue, « un pied en enfer », dit-elle elle-même, ne tombât en convulsion, et ne frappât les dalles de ses genoux, de son corps, de sa tête, évanouie.

Louise est bien au quart folle, il faut l’avouer ; nulle fourberie n’eût suffi à tenir cette longue gageure. Mais sa jalousie lui donne, sur chaque endroit où elle peut crever le cœur à la patiente et y faire entrer l’aiguille, une horrible lucidité.

C’est le renversement de toute chose. Cette Louise, possédée du Diable, communie tant qu’elle veut. Elle gourmande les personnes de la plus haute autorité. La vénérable Catherine de France, la première des Ursulines, vient voir cette merveille, l’interroge, et tout d’abord la surprend en flagrant délit d’erreur, de sottise. L’autre, impudente, en est quitte pour dire, au nom de son Diable : « Le Diable est le père du mensonge. »

Un minime, homme de sens, qui est là, relève ce mot, et lui dit : « Alors lu mens. » Et aux exorcistes : « Que ne faites-vous taire cette femme ? » Il leur cite l’histoire d’une Marthe, une fausse possédée de Paris. — Pour réponse, on la fait communier devant lui. Le Diable communiant, le Diable recevant le corps de Dieu !… Le pauvre homme est stupéfait… Il s’humilie devant l’Inquisition. Il a trop forte partie, ne dit plus un mot.

Un des moyens de Louise, c’est de terrifier l’assistance, disant : « Je vois des magiciens… » Chacun tremble pour soi-même.