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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/536

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cachée. Son mari, son père en larmes, vinrent à la Sainte-Baume, sans doute pour fléchir les inquisiteurs. Mais Madeleine n’eût jamais osé se dédire ; elle répéta l’accusation.

Qui était en sûreté ? Personne. Du moment que le Diable était pris pour vengeur de Dieu, du moment qu’on écrivait sous sa dictée les noms de ceux qui pouvaient passer par les flammes, chacun eut de nuit et de jour le cauchemar affreux du bûcher.

Marseille, contre une telle audace de l’Inquisition papale, eût dû s’appuyer du Parlement d’Aix. Malheureusement elle savait qu’elle n’était pas aimée à Aix. Celle-ci, la petite ville officielle de magistrature et de noblesse, a toujours été jalouse de l’opulente splendeur de Marseille, cette reine du Midi. Ce fut tout au contraire l’adversaire de Marseille, l’inquisiteur papal, qui, pour prévenir l’appel de Gauffridi au Parlement, y eut recours le premier. C’était un corps très fanatique dont les grosses têtes étaient des nobles enrichis dans l’autre siècle au massacre des Vaudois. Comme juges laïques, d’ailleurs, ils furent ravis de voir un inquisiteur du pape créer un tel précédent, avouer que, dans l’affaire d’un prêtre, dans une affaire de sortilège, l’Inquisition ne pouvait procéder que pour l’instruction préparatoire. C’était comme une démission que donnaient les inquisiteurs de toutes leurs vieilles prétentions. Un côté flatteur aussi où mordirent ceux d’Aix, comme avaient fait ceux de Bordeaux, c’était qu’eux laïques, ils fussent érigés par l’Église elle-même en censeurs et réformateurs des mœurs ecclésiastiques.

Dans cette affaire, où tout devait être étrange et