Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/541

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qu’engloutit le Déluge n’avaient pas tant fait que ceux-ci !… Sodome, rien de pareil n’a jamais été dit de toi !… »

Elle dit aussi : « Madeleine est livrée à l’impureté ! » C’était, en effet, le plus triste. La pauvre folle, par une joie aveugle de vivre, de n’être pas brûlée, ou par un sentiment confus que c’était elle maintenant qui avait action sur les juges, chanta, dansa par moments avec une liberté honteuse, impudique et provocante. Le prêtre de la Doctrine, le vieux Romillion, en rougit pour son Ursuline. Choqué de voir ces hommes admirer ses longs cheveux, il dit qu’il fallait les couper, lui ôter cette vanité.

Elle était obéissante et douce dans ses bons moments, et on aurait bien voulu en faire une Louise. Mais ses diables étaient vaniteux, amoureux, non éloquents et furieux, comme ceux de l’autre. Quand on voulut les faire prêcher, ils ne dirent que des pauvretés. Michaëlis fut obligé de jouer la pièce tout seul. Comme inquisiteur en chef, tenant à dépasser de loin son subordonné Flamand, il assura avoir déjà tiré de ce petit corps une armée de six mille six cent soixante diables ; il n’en restait qu’une centaine. Pour mieux convaincre le public, il lui fit rejeter le charme ou sortilège qu’elle avait avalé, disait-il, et le lui tira de la bouche dans une matière gluante. Qui eût refusé de se rendre à cela ? L’assistance demeura stupéfaite et convaincue.

Madeleine était en bonne voie de salut. L’obstacle était elle-même. Elle disait à chaque instant des