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(comme en l’affaire de Gauffridi), de sorte qu’aucun confesseur, aucun directeur, ne s’y reconnût, et que chacun, en sécurité pleine, pût toujours dire : « Ce n’est pas moi. »


Grâce à ces soins tout prévoyants, une certaine obscurité reste en effet sur l’affaire de Grandier[1]. Son historien, le capucin Tranquille, prouve à merveille qu’il fut sorcier, bien plus un diable, et il est nommé dans le procès (comme on aurait dit d’Astaroth) Grandier des Dominations. Tout au contraire, Ménage est près de le ranger parmi les grands hommes accusés de magie, dans les martyrs de la libre pensée.

Pour voir un peu plus clair, il ne faut pas prendre Grandier à part, mais lui garder sa place dans la trilogie diabolique du temps, dont il ne fut qu’un second acte, l’éclairer par le premier acte qu’on a vu en Provence dans l’affaire terrible de la Sainte-Baume où périt Gauffridi, l’éclairer par le troisième acte, par l’affaire de Louviers, qui copia Loudun (comme Loudun avait copié), et qui eut à son tour un Gauffridi et un Urbain Grandier.

Les trois affaires sont unes et identiques. Toujours

  1. L’Histoire des diables de Loudun, du protestant Aubin, est un livre sérieux, solide, et confirmé par les Procès-verbaux mêmes de Laubardemont. Celui du capucin Tranquille est une pièce grotesque. La Procédure est à notre grande Bibliothèque de Paris. M. Figuier a donné de toute l’affaire un long et excellent récit (Histoire du merveilleux). — Je suis, comme on va voir, contre les brûleurs, mais nullement pour le brûlé. Il est ridicule d’en faire un martyr, en haine de Richelieu. C’était un fat, vaniteux, libertin, qui méritait non le bûcher, mais la prison perpétuelle.