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décrasser ces jeunes aumôniers de la direction des Lazaristes, sous laquelle ils étaient presque partout. Mais les deux Jésuites qu’on y avait mis étaient peu capables. L’un était un sot, l’autre (le Père Sabatier), un homme singulièrement emporté, malgré son âge. Il avait l’insolence de notre ancienne marine, ne daignait garder aucune mesure. On lui reprochait à Toulon, non d’avoir une maîtresse, ni même une femme mariée, mais de l’avoir insolemment, outrageusement, de manière à désespérer le mari. Il voulait que celui-ci, surtout, connût bien sa honte, sentit toutes les piqûres. Les choses furent poussées si loin que le pauvre homme en mourut[1].

Du reste, les rivaux des jésuites offraient encore plus de scandale. Les Observantins, qui dirigeaient les Clarisses (ou Claristes) d’Ollioules, avaient publiquement des religieuses pour maîtresses, et cela ne suffisant pas, ils ne respectaient pas même les petites pensionnaires. Le Père gardien, un Aubany, en avait violé une de treize ans ; poursuivi par les parents, il s’était sauvé à Marseille.

Girard, nommé directeur du séminaire des aumôniers, allait, par son austérité apparente, par sa dextérité réelle, rendre l’ascendant aux Jésuites sur des moines tellement compromis, sur des prêtres de paroisse peu instruits et fort vulgaires.

En ce pays où l’homme est brusque, souvent âpre d’accent, d’extérieur, les femmes apprécient fort la douce gravité des hommes du Nord ; elles leur savent

  1. Bibliothèque de la ville de Toulon, Pièces et chansons manuscrites, un volume in-folio, très curieux.