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Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/602

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glorieusement ruiné, à ce point qu’il lui fallut manger chez ses voisins ; les pauvres se disputaient l’honneur de le nourrir.

La petite dit à sa mère qu’elle ne porterait jamais plus ce qu’elle avait de beaux habits, et il fallut les vendre. Elle ne voulait plus que servir les malades ; elle entraînait toujours sa mère à l’hôpital qui était au bout de leur rue. Une petite voisine de quatorze ans, la Laugier, avait perdu son père, vivait avec sa mère fort misérablement. Catherine y allait sans cesse et y portait sa nourriture, des vêtements, tout ce qu’elle pouvait. Elle demanda à ses parents qu’on payât pour la Laugier les frais d’apprentissage chez une couturière, et tel était son ascendant, qu’ils ne refusèrent pas cette grosse dépense. Sa piété, son charmant petit cœur la rendaient toute-puissante. Sa charité était passionnée ; elle ne donnait pas seulement ; elle aimait. Elle eût voulu que cette Laugier fût parfaite. Elle l’avait volontiers près d’elle, la couchait souvent avec elle. Toutes deux avaient été reçues dans les filles de Sainte-Thérèse, un tiers ordre que les carmes avaient organisé. Mlle Cadière en était l’exemple, et, à treize ans, elle semblait une carmélite accomplie. Elle avait emprunté d’une visitandine des livres de mysticité qu’elle dévorait. La Laugier, à quinze ans, faisait un grand contraste ; elle ne voulait rien faire, rien que manger et être belle. Elle l’était, et pour cela on l’avait faite sacristine de la chapelle de Sainte-Thérèse. Occasion de grandes privautés avec les prêtres ; aussi, quand sa conduite lui mérita d’être chassée de la congrégation, une autre autorité, un vicaire général,